Le Dragon - An Aerouant

Publié le par Compagnons de Derrien

Banniel-Bro-Gembre.png 

 

Le Dragon Rouge ( Y ddraig goch en gallois ), banniel Bro gembre ( Drapeau national du Pays de Galles ).

 

 

 

 

 

           

 

 

Banniel Bro Dreger

 

 

 

 

A droite, Banniel Bro Dreger, le drapeau actuel du Tregor: le dragon ( à deux pattes ) de saint Tugdual sur la croix noire de saint Yves.

 

 

 

 

Sauf à vouloir évoquer un certain type de personnage peu avenant, il est fort probable que personne ne puisse affirmer avoir rencontré un dragon.

Et pourtant lorsque l'on parle de dragon, tout le monde sait de quoi il s’agit… Dans notre environnement moderne, le flot des images transporte à coup sûr des représentations de cet animal mythique auxquelles il est difficile d’échapper.

Il en était de même par le passé, car le dragon était présent dans la plupart des monuments religieux : dans la crossette des murs des églises et des chapelles, sur la sablière d’une charpente, dans une statue aux pieds d’un personnage saint, sur un vitrail, dans le bois des stalles d’un chœur, dans un tableau peint etc…

On ne compterait pas moins de plusieurs dizaines de dragons sculptés dans les stalles de la cathédrale de Saint-Pol-de-Léon (datées de 1510), et dans la pierre. Faut-il s'en étonner? en effet, l'évêque qui fut à l'origine, en 1227, de l'édifice gothique que l'on connait aujourd'hui portait le nom de...Derrien ! Et l'autel en chêne de Saint-Pol Aurélien ne pouvait évidemment sortir que des ateliers de Denis Derrien, en 1897, tout comme le baptistère...

Pourquoi tous ces dragons? Bien sûr, on pense à l'histoire de Saint Pol et du dragon de l'ïle de Batz. Logique et rationnel, non? Trop sans doute. Car les légendes ont la vie dure: rendez vous devant l'enfeu de "l'autel à la sirène"et sa pierre tombale, vous y verrez sur le bas-relief en pierre les armes d'une famille noble. Il s'agit de celles de la lignée des Traonelorn de Kerautret. Traon Elorn: traoñ, "val" , et Elorn. Le seigneur Elorn ! Ce nom parle-t'il à ceux qui ont lu l'article sur la Légende de Derrien?

Les représentations du dragon au Moyen-Age et à la Renaissance ont des caractéristiques communes parce qu’elles répondaient à des codes , des canons connus et admis par tous. La plupart de ces dragons sont identifiables grâce à leur corps de reptile, leur paire d’ailes, leur peau recouverte d’écailles, et quelquefois leur langue sortant de la gueule et symbolisant une flamme.

32-Saint-Derrien.-Dragon-sur-ossuaire-de-Kommanna.JPG                                                  Dragon à l’enclos de Commana.

 

Le dragon peut aussi avoir une tête de coq recouverte de plumes : c’est le cas du basilic auquel la légende de Derrien fait allusion et que l’on peut rapprocher du Quetzalcóatl, le serpent à plumes des Aztèques. Le basilic est un monstre légendaire, un hybride de coq et de reptile, capable de tuer d’un regard quiconque ne l’a pas vu avant lui. Pour le tuer, il fallait lui tendre un miroir.

Nos ancêtres ne manquaient donc pas d’imagination ! Mais, la « création » artistique  ne partant jamais de rien, « ex nihilo », quels pouvaient être les matériaux, la source d’inspiration pour les représentations du dragon ? Bien évidemment, nous devrons nous contenter d'hypothèses, alors, suivons une piste, la piste la plus improbable à première vue.

Velociraptor mongoliensis jmallon

Quiz : ce dessin est l’œuvre d’un :

a) dessinateur de bandes dessinées.

b) scientifique spécialiste des dinausaures.

c) scénariste de films de la série « Jurassic Park ».

d) dessinateur inspiré par les dragons du Moyen-Age.

 

 

La réponse d) semble être la plus en rapport avec le sujet de cet article ?

Ce n’est pas la bonne réponse ! Trop facile !!

c) Les dinosaures de Steven Spielberg dans « Jurassic Park » ne possédaient pas de plumes aux avant-bras, alors pourquoi pas la réponse a) un dessinateur de B.D. ? Faux également !

Il reste donc la réponse b) : il s’agit bien de la reconstitution graphique d’un dinosaure à partir des derniers travaux des paléontologues.

Le dinosaure ci-dessus est le « velociraptor », une espèce de dinosaure d’un genre nouveau pour ses découvreurs, puisqu’il portait des plumes sur les cubitus des pattes avant. Cette nouvelle (1) n’aura pas échappé à Steven Spielberg qui aura ajouté des plumes aux vélociraptors dans ses fims plus récents !

La taille du vélociraptor est-elle comparable à celle du Dragon de Derrien qui, selon les versions, mesure entre 6 mètres et 10 mètres de long ? La réponse aurait sans doute été négative jusqu’en 1993, année où l’on découvrit dans l’Utha des restes de squelettes de raptor mesurant 1m80 de haut, contre 1m25 pour le vélociraptor et d’une longueur de plus de 6m contre 1m80 pour le vélociraptor. On l’appela « Utharaptor »(6).

 Utahraptor BW

       Utharaptor.

La particularité de ces raptors est qu’ils possédaient des plumes. Mais, à quelques dizaines de millions d’années de distance, il est difficile de savoir si tous les raptors en possédaient, s’ils en avaient le corps entièrement recouvert, s’ils les gardaient toute leur vie, s’ils s’agissait de plumes comme on en voit aujourd’hui sur les oiseaux ou de proto-plumes. Lesquels avaient la peau recouverte d’écailles ? Les débats risquent encore de durer…un certain temps ! aurons-nous la réponse avant la chute du prochain astéroïde sur notre planète ?

 Question: nos ancêtres auraient-ils pu s’inspirer de la forme de ces dinosaures, à plumes ou non, comme modèle pour leurs créations artistiques?                                                                                                                                    Origami japonais: en Asie aussi !Aerouant-r.jpg

On peut, trois secondes et demi, céder à la tentation de la fiction spielbergienne, et imaginer une rencontre entre Derrien, Neventer et un vrai dinosaure. On peut aussi, tant qu’on y est, imaginer une rencontre entre les artistes, les conteurs de légendes et les raptors ! Mais 150 millions d’années et quelques heures séparent les premiers des Utharaptors. Alors ?

- Alors, suivant l’hypothèse que les artistes se soient inspirés d’un modèle visuel, on peut admettre qu’ils ont pu suivre le même cheminement que les scientifiques modernes à partir de squelettes retrouvés dans le sol ou la glace ! Pour déceler la présence de plumes, par exemple, les uns comme les autres disposaient des mêmes matériaux, des cubitus de raptors qu’ils ont comparé à des cubitus d’oiseaux, en l’occurrence ceux d’un vautour, l’urubus à tête rouge, pour les paléontologues américains.

Présent sur terre depuis des dizaines de milliers d’années ( 2 millions pour l'homo-habilis, notre lointain ancêtre ), l’homme n’a pas attendu l’arrivée des scientifiques de l’époque moderne pour fouiller le sol et en extraire ce qui lui était utile. On sait que les os de mammouths, par exemple, qui sont récents par rapport aux dinosaures, étaient recherchés pour servir de charpente aux huttes des hommes préhistoriques (2). Et que les populations locales n’ont pas attendu la venue des scientifiques et qu’elles fouillent depuis des générations les sites dits « archéologiques ».

Mais sont-ils si éloignés des artistes ces paléontogues qui ont découvert tout récemment en Roumanie une espèce inconnue de raptor quand ils baptisent celui-ci « Balaur bondoc », « balaur » en roumain archaïque signifiant dragon et « bondoc » trapu ? (3)

La mythologie des Anciens Celtes comprenait le mythe du serpent à tête de bélier. Le dragon n'apparait chez les Bretons qu'à l'époque romaine avec l'arrivée de troupes fédérées de cavaliers Sarmates dont l'emblème était le dragon. Leur nom d'origine était Sauromates, "porteurs de lézards / dragons", du grec sauros: lézard. Les saints vainqueurs de dragon sont appelés "sauroctones". Derrien est donc un saint sauroctone ! Les Sarmates étaient à l'origine un peuple nomade des steppes de l'Oural, ayant eu des liens d'alliance avec les Scythes. Le territoire de ces derniers s'étendait jusqu'au lac Baïkal à l'est, région occupée par des peuples d'origine mongole. Pourquoi ce long périple géo-mytho-historique? Parce que le premier squelette de velociraptor découvert par un scientifique l'a été en...Mongolie ! (4)

Le rapprochement entre le Dragon de Saint-Derrien et l’Utharaptor tient aussi au  comportement « féroce » des deux. Le Dragon « dévore hommes et bêtes » selon la  légende, et l’Utharaptor appartient à la « famille de tueurs » des Dromeosauridés. Il possédait une griffe rétractile de plus de 30 cm courbée comme une faux sur chacun de ses membres postérieurs dont il se servait pour tuer des animaux plus gros que lui. Le paisible herbivore Diplodocus n’avait donc aucune chance d’« entrer dans la légende » de Derrien !   

Tout ceci n’est évidemment qu’hypothèse, mais ne peut-on pas, en conclusion, dire qu’il serait prétentieux de notre part de refuser aux hommes des siècles et des millénaires passés la capacité d’extrapoler, à partir de restes de dinosaures, une ou plusieurs formes vivantes de ceux-ci ?

Par contre, il semble bien que nos esprits cartésiens achoppent sur le sens à donner à ces formes imaginées présentes dans les légendes et les mythes. Encore faudrait-il que ces mêmes esprits puissent être effleurés par l’idée même de la possibilité d’une quelconque symbolique dans ces formes!

Mais nous attendons vos commentaires sur ce sujet. Affaire à suivre.

 

Toul-ar-sarpant-2r.jpg

 

Toul-ar-Sarpant à Saint-Derrien.

Toul-ar-Sarpant : Le Trou du Serpent, ou Le Repère du Dragon. Le mot pour Dragon est Aerouant ou Êrouant ( pluriel: Erevent ), mais l’usage de Sarpant s’est maintenu (5). C’est dans ce chaos rocheux sur le cours du Douric que le Dragon a été dompté par le Chevalier Derrien. Il n’y serait donc plus…

Pour ceux qui veulent bien voir…entre la roche du premier plan et la zone sombre de la photo, de curieux reflets dans l’eau : illusion, tout ne serait qu’illusion ?

(1)   Publication par les paléontologues de l’American Museum of Natural History, rapportée dans la revue américaine «Science » le 21 septembre 2007.

(2)   Campement du site de Mizyn en Ukraine.

(3)   Publication dans les Annales de l’Académie Nationale Américaine des Sciences (PNASS), citée par Sciences et Avenir du 07 septembre 2010.

(4) Par Henry Fairfield Osborn (1857-1935) en Mongolie.

(5)  Peut-être est-ce dû à une réminiscence du Serpent à tête de bélier des Anciens Celtes? Son venin était mortel et son regard,  même paupières baissées, était hypnotisant, mais il était possible de l'apprivoiser.  L'omniprésence du serpent dans la symbolique est universelle depuis les mythologies jusqu'à la psychanalyse.

(6) Squelette d'Utharaptor par Zachary Tirrel ( Museum of Ancient Life, Utha ).

utahraptor_04.jpg

                                         Classification : Saurischia Theropoda Tetanurae Coelurosauria Dromaeosauridae

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