Etymologie et prononciation de Derc'hen.

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Derrien : le nom viendrait du breton « Derc’hen », lui-même issu d’une juxtaposition de deux mots celtiques : « der » et « gen ».

Le nom "Dergen" est attesté au 10ème siècle (en 903) dans le cartulaire de Redon pour désigner l'un des 5 fils du roi de Bretagne Alan 1 ( Alain 1er): "(Pascuuethan et Dergen et Budic, filii ejus" -Pascweten, Derrien et Budic, ses fils. Dergen (devenu Derrien) est l'ancêtre du lignage d'Elven et de Largoët ( Wikipedia).

 

1 - Der.

  « Der » a le sens de « chêne », arbre emblématique des Celtes et des Druides s’il en est !

"Deri (celtique ancien n.d.r.): chênaie. Pluriel collectif de dar "chêne". Le nom ancien de Vannes, Darîoritum, signifie  "gué de la chênaie". La rive sud de l'Elorn, de Loc-Eguiner (29) au Roual, était appelé Deri, d'où Ploudiry (29) et Dirinon (29)." Alan J. Raude La Naissance des nations brittoniques Ed. Label LN.

On retrouve l’ancien celtique « der » dans la langue bretonne moderne sous sa forme « derv » ou « dero », pour chêne au sens collectif ( l'espèce végétale chêne). Au 15ème siècle, on trouve dervenn, même sens, mais singulatif (un individu chêne). Pour un chêne on dira aujourd'hui "ur wezenn dero" (un arbre-chêne) ou tout simplement "un dero"

 Autre sens possible:"der" en vieux breton quand il est en préposition a un sens augmentatif, et vient souligner la qualité du mot auquel il est accolé, en l'occurence "gen". 

2 – Gen.

Ainsi précédé,« gen »prend son sens de« de bonne naissance, de noble lignée » - et aussi « généreux ». Sens proche du latin « generosus », du français « gentilhomme » et de l’anglais moderne « gentry ».

On retrouve «  gen » en breton moderne dans la base verbale de « genel » / ‘ge:nεl /, pour « enfanter, mettre au monde ». Sens proche du français « générer », etc.

Michel Priziac, dans "Bretagne des Saints et des croyances" *apporte une précision importante: "Le Celte se considérait volontiers comme descendant d'une divinité qui l'aurait fait homme en lui transmettant les qualités auxquelles il aspirait. L'ancien suffixe"-genos"devenu "-gen"procède de cette logique et a donné par exemple Brannagenos, né du corbeau, ou fils de Bran lui-même dieu corbeau.

Dergen signifierait donc dans cette acception"fils du chêne". Cependant, ajoute-t'il, "considérer des noms de personnes au regard d'une continuité chez l'humain des vertus sacrées de tel ou tel arbre est nécessaire pour comprendre l'anthroponomie. Il faut donc se situer par rapport au nom de la divinité se référant à l'arbre plutôt qu'aux caractéristiques de l'arbre lui-même." *Ki-Dour Editions

 

3 – De gen à c’hen.

L’évolution du « gen » de Dergen en « c’hen », de Derc’hen, c’est-à-dire la mutation du g en c’h, s’explique par ce qu’il est convenu d’appeler une « mutation consonnantique ».

Le "g" du groupe de lettres"gen" se prononce comme dans le français "gamin", "gourde" etc., l'écriture bretonne ne faisant pas suivre le g de la lettre "u".  

Pour différentes raisons sur lesquelles il serait trop long de s’étendre, l’évolution normale de la consonne g (vélaire occlusive), est de s’affaiblir pour une prononciation plus aisée en consonne h (vélaire spirante), soit [ h ] en A.P.I. (Alphabet Phonétique International).  

Ce [ h ] n’existe pas en français, alors qu’on le trouve dans les langues européennes d’origines germanique (anglais et allemand, etc.) et celtique ( breton, gallois, cornique, etc.).

C’est le [ h ] dans house, par exemple. Difficile pour un gosier francophone, on peut s’y exercer en expirant fort comme pour embuer une vitre avant de nettoyer celle-ci à l’aide d’un chiffon !

 

4 –Prononciation.

Pratique : prononcer Derc’hen d’après les indications suivantes.

A) Der comme Derr dans Derrick

B) c’hen avec le c’h prononcé [ h ] –reprenez l’exercice de l’embuage de la vitre– suivi de en comme en français –enne.

Relier l’ensemble derr[h]enne, en prononçant plus fort « Derr » que « enne »                   / ‘dεrhεnn /- , contrairement au français où l’accent porte sur la dernière syllabe du mot. Facile.

 

5 - Ecriture ancienne de Derc’hen.

Derc’hen était écrit Derchen ou Derchan jusqu’au 17ème siècle, le [ h ] s’écrivant alors ch (1). Ce ch a été remplacé à cette époque par le c’h actuel sous l’influence des écrits du Père Maunoir (an Tad Maner).

A cette période, en effet, des mots en ch [ ʃ ] issus du français commençaient à être nombreux en breton comme chapel (chapelle), chas (devenu pluriel de ki –chien), chakod (poche) etc., alors que cette sonorité était quasi inexistante dans la langue auparavant. Il fallait donc les distinguer à l’écriture : ce fut l’origine du c’h (ar c’hi  / ar ‘χi: / le chien), le ch étant réservé au [ ʃ ] (ar chas  / ar ‘ʃa:s / les chiens).

 

6 -Précisions concernant l’orthographe.

Sans vouloir chatouiller les susceptibilités des experts en orthographe(s), il nous semble intéressant de préciser ici un point important. En effet, le système d’écriture le plus utilisé de nos jours, dit « zh » ou « peurunvan » transcrit par le fameux c‘h deux « sons » différents: notre [ h ] (vélaire spirante sonore), comme dans  l’anglais house et dans Derc’hen, mais aussi le [ χ ] de l’allemand ch dans bach, nacht…( vélaire spirante sourde), inconnue elle aussi en français. Ce qui n’est pas pour faciliter la lecture, ni surtout la (bonne) prononciation.

Par contre, l’écriture dite « universitaire » fait bien le distingo entre [ h ] écrit h ( da houlenn– ta demande), suite à la mutation en [ h ] du g [ g ] de goulenn, d’une part, et, dautre part, le [ χ ] orthographié c’h (c'hoar– soeur), alors qu’en « zh » on trouve indiféremment da c’houlenn et c’hoar.

Donc, prononçons Derc’hen en utilisant le [ h ] et non le [ χ ] . Et nous éviterons ainsi cette faute de prononciation, fréquente chez les brittophones débutants, mais pas seulement !     

 

Si les bloggeurs avaient des remarques à apporter à ces explications, plutôt techniques avouons-le, qu’ils sachent qu’elles seront prises en compte.

  

(1) Ignorer ce point peut devenir source d’erreurs de traduction en français. Ainsi le nom de la commune de Persquen (56), qui, écrit « Perchen » jusqu’au 17ème siècle, a été traduit par « Perche ». Or, Perchen, quelques années plus tard, se serait écrit « Perc’hen », qui a un sens général de « propriété », « propriétaire ». La confusion a été totale avec le breton perchenn     / pεrʃεn / qui a effectivement le sens de « perche ».L'ancienne paroisse primitive était Plousquen et, selon Alan J. Raude, le "squen" de Persquen serait un dérivé de l'ancien celtique "Skunos"(in La naissance des nations brittoniques Ed. Label LN ).

De même, en 1663, le nom de la commune de Saint-Derrien / Sant-Derc’hen, s’écrivait encore avec un  ch :« Derchan » mais qui se prononçait [ h ]… / dεrhãn / ou / dεrhεn/, comme chacun le sait maintenant !


Prononciation de c’h. 

 

La prononciation proposée ici est celle du breton du nord-ouest et provient de la lecture du livre de F. Falc’hun « Etudes sur la langue bretonne ». Ed. Label LN .

Note : Le lecteur tiendra compte de la particularité propre à cette région de prononcer les diphtongues (groupes de deux voyelles ). Exemple : « o » est parfois prononcé « o », voyelle, parfois , « w » semi-voyelle. Il en adaptera la prononciation selon son dialecte pour définir la place de l’accent.

 

A) Comment procéder pour bien le prononcer :

 

1)   Prononcé [ χ ] : un peu comme [ j ] en espagnol, [ ch ] en gallois et en allemand. Les bords de la langue râclent le voile du palais.

2)  Prononcé [ h ] : un peu comme h dans l’anglais « house ». La pression de l’air dans les poumons et la bouche est très forte pour expulser l’air, et, après son émission, les poumons sont quasiment vidés. Aucun mouvement de la langue ne vient freiner l’air. C’est le son le plus facile pour un bretonnant, et le plus difficile pour un néo-bretonnant, celui-ci ayant tendance à lui substituer un [ χ ], d’autant plus que tous deux s’écrivent c’h en peurunvan. 

 

B) Quand le prononcer [ χ ] , et quand le prononcer [ h ] :


1) c’h prononcé [ χ ] :

A l’initiale  :                                                                                                                                                                                                        

§      mots en c’h, c’hoar / ‘χo:ar / ( la ) soeur , sauf c’hoazh ( encore ). Autre exception, après l'adjectif possessif "e" ou un mot féminin derrière l’article: ur (e) c’hoar / œr ‘ho:ar / une ( sa ) sœur .

§      mots en k: mutation par spirantisation après l’article : ki, ar c’hi / ar ‘χi: / le chien. Encore que ce [ χ ] ne soit traditionnellement prononcé que sur la côte nord du Léon, où l’évolution en [ h ] ne s’est pas faite.

A l’intérieur du mot :

§         dans un comparatif de positif en finale c’h : sec’h, sec’hoc’h /‘sεχɔχ / sec, plus sec.

§         dans une série de mots : doc’hig /’dɔχig / petit cochon, moc’hãn /‘mɔχa / cochonner ou demander le cochon,  moc’haj /‘mɔχa / cochonnerie , foc’het /’fɔχèt / fâché, sifoc’hel /si’fɔχèl / sarbacane, fuc’hal /’fyχal / siffler (comme un tison que l’on mouille ), fic’hell /’fiχèl / jeune fille étourdie, légère, pimbêche.

 

La voyelle en pénultième qui précède [ χ ] sera toujours brève.

 

A la fin du mot  même devant voyelle:

§         racine verbale en c’h : ma foc’h ar paotr / ma ‘f ɔχ ar ‘paot / si l’homme se fâche ( racine verbale foc’h ).

§         particule verbale oc’h < ouzh. Oc’h ober / ɔχ ‘o:bεr / en train de faire.

§         possessifs hoc’h et hec’h ( ez ). Hoc’h anv / ɔχ ‘ã:no / votre nom.

§         en finale absolue : Kavet am-eus da sac’h. / ‘za:χ / sac.

 

La voyelle accentuée en finale absolue qui précède [ χ ] ( cas des monosyllabes ) sera toujours longue.

 

2) c’h prononcé [ h ] :

A l’initiale :

§         mots en g. Mutation par spirantisation   godel : da c’hodel / da ho:dèl / ta poche.

§         mots en k. Mutation après les possessifs ma/va, he, hon, o ( kastell : he c’hastell / è ‘hastèl / son château – à elle ). Derrière l’article, la prononciation [ h ] est très largement majoritaire par rapport au [ χ ] – voir ci-dessus §1, alors qu’elle est quasiment absente chez les néo-bretonnants.

§         Mots en c’h : voir plus haut les exceptions du c’h prononcé [ χ

A l’intérieur du mot :

§         entre deux voyelles ( sauf comparatifs, verbes et liste ci-dessus ) : pec’hed [ ‘pe:hèd/t ] péché, dommage.

§         dans un groupe consonnantique rc’h et lc’h : kenderc’hel / kèn’dèrhèl / continuer. La graphie » rc’h » se prononce de moins en moins[ rχ ] ou [ rh ], la tendance actuelle est de l’assimiler au « c’h », et donc de le prononcer [ χ ] ou [ h ] selon les cas.

                                                                      

A la fin du mot :

§         en finale devant voyelle ou l, m, n, r : kosoc’h eo / ‘kòsɔh èo / il est plus vieux.

§         en finale si précédée d’une voyelle accentuée longue ( cas des monosyllabes ), sauf en finale absolue.

 

 La voyelle accentuée qui précède [ h ] sera toujours longue.

 

Note : h en initiale  - h dit muet - ne se prononce pas, même s’il provoque le renforcement de la sonore qui le précède : kig ha farz > kikafars, kroaz-hent > kroasan / ‘kro:asãn /. Une seule exception pour holen sel qui s’écrit d’ailleurs c’hoalen en léonais et se dit  / ar ‘χo:alèn / ou / ar 'ho:alèn /. Il ne peut donc y avoir de confusion entre le h initial, que l’on ne prononce pas, et le c’h muté prononcé [ h ].

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